mercredi 27 janvier 2010

PRÉ-DADA : ALFRED JARRY, UBU

Alfred JARRY, Véritable portrait de Monsieur Ubu, 1896




Quant à l'action, qui va commencer, elle se passe en Pologne, c'est-à-dire Nulle Part.
(...)

Nulle part est partout, et le pays où l'on se trouve, d'abord. C'est pour cette raison qu'Ubu parle français.

(...)

Ubu parle souvent de trois choses, toujours parallèles dans son esprit : la physique, qui est la nature comparée à l'art, le moins de compréhension opposé au plus de cérébralité, la réalité du consentement universel à l'hallucination de l'intelligent, Don Juan à Platon, la vie à la pensée, le scepticisme à la croyance, la médecine à l'alchimie, l'armée au duel ; - et parallèlement, la phynance, qui sont les honneurs en face de la satisfaction de soi pour soi seul, tels producteurs de littérature selon le préjugé du nombre universels, vis-à-vis de la compréhension des intelligents ; - et parallèlement, la Merdre.

Alfred JARRY, Autre présentation d'Ubu Roi, 1896

Vers le texte d'UBU ROI :


Affiche de la première d'Ubu Roi, 1896

Si j'avais été de quelque conseil au guichet de ce gargantuélique bouffre, j'eusse tâché d'éclairer sa mise en scène et d'en préciser la signification. Au premier acte, il aurait eu le masque, l'allure et le ton de l'incorruptible Maximilien ; au second, sa face se serait auréolée des lys de la royauté légitime, par la figure du Comte de Provence ou de Charles X ; sa grimace eût contenu pour le troisième acte les béatitudes du Père la Poire et de la dynastie de Juillet ; enfin le dénouement au bâtiment transport des exils, à l'heure des mots historiques, aurait montré le bonhomme en petit chapeau avec l'aigle sur l'épaule de la redingote grise...

Henry BAÜER, dans L'Écho de Paris du 12 décembre 1896


Alfred JARRY, Deux aspects de la marionnette originale d'Ubu Roi.
 Première, Théâtre de l'Œuvre, 10 December 1896 


Le Roi Ubu, le Père Ubu, qui jure à tous propos « par sa chandelle verte », réalise un bel ensemble des défauts hideux qui font les qualités de quelques beaux politiques, souverains ou grands financiers : le cynisme invraisemblable, l'absence de sens moral atteignant le grotesque, l'abandon puéril et grandiose à toutes les versalités de la vie, la prompte accommodation aux contrariétés les plus bousculantes, le bavardage puéril et sans fin, la grandiloquie imbécile...

Émile VERHAEREN, « Les Marionnettes », L'Art moderne, 19 juillet 1896



P. Boulage. Monsieuye Ubu. Terre cuite, 1970